Cet article est écrit par Brigitte Cassette, formatrice en éducation relationnelle et consciente.
Petits et grands, nos réactions désagréables au confinement vont être diverses : contrariété, colère, manque, agacement face aux autres (fratrie, parents, conjoint), tensions face à tout ce qu’il faut gérer, inquiétude ou même angoisse face à l’avenir, culpabilité ou sentiment d’injustice…
Le problème n’est pas tant l’émotion elle-même mais le fait de ne pas pouvoir ou savoir la poser : elle nous ronge alors de l’intérieur et ne fait qu’accroître le stress jusqu’à l’implosion ou l’explosion. L’adolescent qui a perdu les mots en grandissant est un bon exemple de cette non-expression, il est capable d’exploser tout à coup dans un chaos qui surprend l’entourage ! On retrouve aussi souvent ce surgissement émotionnel chez le petit qui lui, n’a pas encore les mots pour dire ce qu’il ressent. Avant que la vie familiale ne devienne infernale, la prévention consiste à mettre en place des espaces pour libérer la parole, la faciliter en la cadrant car les mots peuvent aussi faire mal.
Un cadre bien posé : invitons les membres de la famille sur un horaire précis. Ritualisons-le si c’est possible ! Un gâteau, un goûter peuvent conquérir les plus réticents. La disposition en cercle est bénéfique : elle symbolise l’égalité de pouvoir et de parole durant la réunion. C’est pour nous, adulte, un espace d’écoute sans attente sur l’autre et un espace d’expression au même niveau que les autres participant-e-s. Nous serons dans la posture de facilitation : donner la parole à chacun-e son tour, rappeler les règles qui ont été posées, annoncer le début et la fin. Ce n’est pas un espace pour que l’adulte discoure ou fasse la morale !
Pas plus d’une heure ! On peut la prolonger avec ceux et celles qui le désirent mais la partie commune doit être courte. La méthode pour faciliter la parole tout en limitant l’expression dans le temps est de proposer un début de phrase à finir. Par exemple « Le plus agréable pour moi dans ce confinement c’est… », « Le plus difficile pour moi dans ce confinement c’est… ». Chaque personne reprend la phrase en la terminant. Cette structure aide beaucoup les petits parleurs ou les plus jeunes qui peuvent avoir l’expression plus difficile. Accueillons tout ce qui est dit sans remarque : un plus jeune qui dit « Ce qui est le plus difficile c’est la pluie » alors qu’il fait grand soleil veut dire quelque chose. Accueillons ce qu’il donne là, à cet instant, sans questionner, juste en l’invitant à en dire plus s’il le désire. De même pour l’ado qui va faire de l’humour ou de la dérision avec la phrase. C’est son expression à lui de ce qu’il vit. Acceptons sans juger. C’est ce climat-là qui lui permettra par la suite de dévoiler un peu plus son vécu.
Une structure progressive. Débutons la séance par des phrases qui incitent à la conscience de soi : « Aujourd’hui je me sens… » « Depuis le confinement j’ai remarqué que… » (Ou « que je » si on veut fermer un peu plus). « Je me sentirais plus en sécurité si… » (Ou « si je… »). En écoutant chaque personne se dire, on élabore notre conscience de l’autre. Commençons par le positif, l’agréable « Ce que j’ai aimé dans notre journée d’aujourd’hui c’est… » et ensuite « Ce que je n’ai pas aimé dans notre journée d’aujourd’hui c’est… ». La phase suivante posera les bases d’une action que l’on peut faire soi-même. « Pour me sentir mieux (ou mieux encore) je pourrais… » « Pour me sentir plus en sécurité, je pourrais… » « Pour améliorer l’ambiance dans la famille je pourrais… ». Et la troisième étape sera l’interrelation : ce que je peux demander aux autres par exemple, ce que j’aimerais qu’on fasse tous ensemble, ce que j’aimerais que mes parents fassent…
Quel âge pour participer à un cercle de parole ? Dés qu’on sait utiliser les mots, on peut participer. Personne n’est obligé de dire mais signaler à notre tour que nous ne pouvons, ne voulons parler. Distribuons la parole dans l’ordre du cercle à partir de la personne qui veut commencer. La personne qui anime (vous mais par la suite ce pourrait être qui désire le faire) prend la parole à son tour. Personne n’a le droit de réaction même pas l’adulte. Par contre à la fin de la séance si quelqu’un veut que l’on reprenne un sujet évoqué, on demande l’accord de tous. Cela devient alors un espace de discussion qui peut mener à une décision. Mais il est important de séparer ces deux temps…
Un espace pour poser et mettre à distance. Le fait de dire, de poser va permettre de mettre à distance. Certains seront prudents au départ et se contenteront d’une petite participation. Réaliser que dans cet espace, le parent ne « fait pas la morale », accepte ce qui est dit, ne juge pas, va petit à petit porter ses fruits et chacun-e s’ouvrira avec plus de confiance.
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