Cet article est écrit par Nicolas Bestard de l’association EnVies EnJeux. Dans le cadre de cette association, il anime différentes actions en direction des parents.
La famille est une structure sociale complexe et délimitée qui façonne largement nos valeurs, et plus globalement notre perception du monde. Pour les enfants, c’est un cadre privilégié d’apprentissage relationnel et culturel. Ce qui fut vécu en tant qu’enfant fait références – positives ou négatives – et contribue à forger ou orienter les choix éducatifs des parents. En cette période de confinement, l’extra-ordinaire percute le quotidien et l’organisation des familles, qui doivent s’adapter et redéfinir les habitudes fonctionnelles et relationnelles du foyer. Et si c’était le moment d’expérimenter certaines pratiques d’éducation bienveillante, d’introduire et d’expérimenter plus de coopération en famille ?
Coopérer est une intention qui se réalise concrètement. On ne coopère pas « en idée » mais on le fait en pratique. Cette intention qui vise à atteindre un objectif est volontaire, consentie, collective. Il ne s’agit donc aucunement de coopérer par principe, mais de coopérer librement par envie, pour faire quelque chose de précis. La coopération interpersonnelle ne s’impose pas, elle se propose. Il existe de nombreuses situations de coopération en famille, qui se vivent simplement, de façon informelle. L’enjeu ici est d’intégrer – ou non – consciemment davantage de coopération à nos pratiques.
Les questions que l’on pourrait se poser en matière de coopération intrafamiliale, c’est : « sur quoi aurions-nous envie de coopérer ? », et « qu’est-ce qui est possible ? ».
Il n’existe pas de réponse toute faite à ces questions, et chaque famille garde un total contrôle sur ce qui compte pour elle en matière d’éducation, d’organisation, de relations… De même, envisager de coopérer en famille suppose de prendre en compte l’âge des enfants, la situation du ou des parent(s), les contraintes qui s’imposent, etc.
Étendre la coopération se fonde sur le désir exprimé d’un.e (ou plusieurs) membre(s) de la famille d’enclencher une démarche mobilisatrice au service d’un projet relationnel construit ensemble. Cela peut être perçu comme contre-intuitif dans le cadre familial, car coopérer suppose de considérer chaque personne – adulte et enfant – comme étant responsable d’elle-même, légitime et capable de co-élaborer et de contribuer activement à partir de ses capacités à un projet commun… Une envie, une perspective, et la confiance dans une possibilité de s’entraider et de se soutenir mutuellement.
Cela peut mener à repenser la manière d’interagir, et même les fonctions et rôles des parents. C’est possiblement déstabilisant voire insécurisant. Il ne s’agit donc pas de coopérer sur tout et tout le temps, mais de définir ce qui relève de la responsabilité parentale (comme la sécurité des très jeunes enfants) et ce qui peut être mutualisé et co-construit (organisation du temps libre ou gestion des écrans par exemple) à partir de nos envies communes et de nos capacités, identifiées et mobilisées.
Ce qui est en jeu, c’est le cadre instauré. Il a pour finalités de structurer et d’accompagner. Mais il peut également contraindre et faire mal s’il ne tient pas compte des désirs, des émotions, des besoins et des limites de chacun.e. Proposer ou opter pour la coopération nécessite de me demander d’abord ce que je désire vivre en famille, et si le cadre en vigueur me satisfait pleinement, à commencer par les relations qu’il génère entre parents, entre enfants, et entre parent(s) et enfant(s). Quelque soit le type de famille ! Si j’ai l’impression qu’il existe des tensions récurrentes, que ce que je vis est trop souvent désagréable et ne correspond pas à ce que j’aimerais, il est utile de clarifier les causes de ce mal vécu.
Coopérer avec les autres exige aussi de la clarté sur moi : qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce que je ne veux pas ? Qu’est-ce que cela touche en moi ? En quoi est-ce important ? Comment je me sens ?Coopérer suppose en retour de laisser aux autres membres de la famille la totale liberté d’identifier et d’exprimer ces mêmes points, sans être jugé.e.s.
Vouloir coopérer en famille, c’est soumettre une invitation et une demande de rencontre, d’échange, de lien, d’approfondissement des relations. Une proposition fondée sur l’envie que chacun.e se sente reconnu.e, considéré.e et utile. L’occasion offerte de dire ce qui est important pour soi, et d’écouter ce qui compte pour ses proches. C’est la possibilité de déterminer ensemble un horizon désirable et accessible à partir d’un objectif précis, choisi ensemble, et d’ouvrir une page blanche pour penser les moyens d’y parvenir. Un défi, qui se relève avec détermination, joie, créativité… et patience, car les relations coopératives se font par expérimentations, corrections, ajustements… Ce qui compte, c’est parfois moins le résultat immédiat que le processus enclenché, le chemin parcouru ensemble.
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