Cet article est écrit par Brigitte Cassette, formatrice en éducation relationnelle et consciente.
Depuis le confinement, j’entends les parents me confier d’un air navré : « Ca va… mais bon, les enfants font beaucoup plus d’écran… ». Pourquoi plus d’écran ? Ils s’ennuient. J’imagine bien nos chers enfants se présenter devant le parent en traînant les pieds, les yeux sombres pour annoncer lugubrement : je m’ennuie… Et nous, parents, de nous imposer de jouer « pour qu’ils ne s’ennuient pas » ou de proposer multiples activités toutes plus géniales les unes que les autres trouvées sur les nombreux sites qui nous aident à prendre soin de nos enfants confinés. Et enfin, à bout de souffle, autoriser l’écran pour nous libérer…
Qu’exprime l’enfant quand il nous dit « je m’ennuie » ? Il se plaint de se retrouver seul, de devoir compter sur lui-même pour s’occuper et nous avoue qu’il ne sait plus le faire. Il nous confie sa dépendance ! Dans ce vide d’activité, il se perd et vient s’attacher à nous pour se retrouver. On se laisse parfois piéger par cet appel d’autant plus touchant que notre société consumériste présente le manque comme une souffrance injuste et insupportable. Pour cette raison certains parents se retrouvent à jouer avec l’enfant alors qu’eux-mêmes n’étaient pas en train de s’ennuyer ou on lâche sur les écrans !
« L’ennui est le terreau de la croissance psychique ». Pour le comprendre, regardons l’enfant dans ses premières années de vie. Quand la mère arrête de s’occuper de lui (avec lui), il la cherche, l’appelle peut être et puis son regard accroche une couleur, la main explore le bout de couverture, la joue se frotte contre le jouet. Il part en exploration. Sa pensée va se construire dans ces espaces vides. Il devient petit à petit créateur de sa propre activité. Du vide il fait naître du plein. De la même façon, l’enfant grandissant va apprivoiser les moments de « rien ». Il va d’abord faire le constat de son désœuvrement, mais s’il l’accepte, son esprit va commencer à vagabonder, accrocher des idées, imaginer, dessiner un futur et le voilà parti en pleine créativité. Il va faire germer quelque chose qui trouve sa source en lui. Il va prendre conscience de lui-même, découvrir ce qu’il est, ce qu’il aime, ses aspirations, ses passions. Pour créer il faut du vide. L’ennui offre ce vide. De ces moments vont naître les activités les plus folles, les plus créatrices, les plus constructives.
Mais le vide c’est aussi la frustration. L’enfant doit la dépasser pour accéder au trésor. Or il a gardé ses anciens réflexes : d’abord il appelle le parent. Pour se ré-attacher. Le jeune enfant ne se distingue pas encore assez comme un individu autonome : « je m’ennuie donc toi tu dois répondre à ce besoin d’activité ». L’enfant plus âgé lui, appelle surtout parce qu’il se sent seul dans ce moment angoissant de vide. Si le parent comble le vide, l’enfant s’apaise, la frustration diminue mais nous l’avons empêché de se trouver, de se créer. Il perd la liberté de se rencontrer, de se construire, de s’imaginer, de rêver et de découvrir ses passions. Il gagne la sécurité de l’attachement.
Répondre à son besoin d’attachement. Pour que l’enfant puisse cheminer vers son autonomie sans se sentir abandonné, nous allons répondre à son besoin de sécurité sans pour autant nous plier à ses désirs (à moins qu’à cet instant nous avions justement envie de jouer aussi !). L’écouter, être en empathie avec cette difficulté qu’il rencontre, l’encourager à la dépasser, lui dire que nous savons qu’il en est capable. Pour pouvoir le faire avec droiture, le parent doit clarifier son propre rapport à l’ennui. Quel parent arrive encore à s’ennuyer ? Quel adulte se ménage des espaces de vide ? Quels risques à laisser notre enfant livré à lui-même, à son imagination, à sa créativité ? L’occuper, c’est une façon de le contrôler. Jusqu’où accepterons-nous de le laisser vivre le vide tout en étant présent et aimant ?
Le confinement nous permet de nous libérer de notre sur-activité, de reconnecter avec nos capacités à nous ennuyer et dépasser cet ennui pour retrouver le plaisir de l’activité libre qui nous aide à construire notre destin.
Et si on en parlait ?
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